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Médiation en Espagne, bientôt obligatoire?
Un avant-projet de loi pourrait imposer la tentative de médiation en Espagne dans un important nombre de matières
Médiation en Espagne et ADR s’ouvrent chemin. Suite à l’expérience de certains pays, notamment l’Italie, le législateur envisage d’imposer la tentative de médiation en Espagne. Celle-ci pourrait s’établir comme une condition préalable à l’initation d’une procédure judiciaire en Espagne dans un nombre non négligeable de matières.
Cependant, même si utile pour établir pour la première fois un cadre général très nécessaire, la loi étatique de 2012 n’a pas été capable de généraliser l’utilisation de la médiation en Espagne. Celle-ci est restée d’utilisation volontaire par les parties. Le nombre de controverses soumises à la médiation en Espagne est donc resté, et reste encore, très marginal.
La loi de 2012
La loi de 2012 a profité de la transposition de la Directive 2008/53/CE pour établir un cadre général pour la médiation en Espagne. Jusqu’à la promulgation de cette loi, c’étaient les différentes Communautés Autonomes qui s’étaient notamment occupées de régler la médiation en Espagne. Tout ceci dans le cadre de leurs compétences, surtout en matière civile et, plus précisément, en matière familiale.
Or, le premier obstacle pour l’utilisation de la médiation en Espagne est le manque de connaissance de celle-ci de la part de leurs potentiels utilisateurs.
Une tentative obligatoire de médiation en Espagne comprendra, en une seule séance, une phase informative et une autre phase exploratoire de la controverse
Par conséquent, l’avant-projet de loi, présenté au mois de janvier de 2019 par le Ministère de la Justice, veut faire face à cette situation et répandre la connaissance sociale sur la médiation en Espagne.
Pour cela, l’avant-projet prévoit que les parties doivent participer à une séance informative sur la médiation, qui devrait leur transmettre leurs principes et leurs caractéristiques essentielles.
En outre, pendant la même séance, les parties devront participer à une phase exploratoire de leur controverse, visant à mesurer la possibilité que celle-ci puisse être résolue à travers une procédure de médiation.
Liste des matières soumises à la tentative obligatoire de médiation en Espagne
L’avant-projet contient la liste des matières qui devront se soumettre obligatoirement à la tentative de médiation en Espagne. Cette liste est la suivante:
a) Mesures prises à l’occasion de la nullité du mariage, de la séparation, du divorce, de la garde d’enfants mineurs.
b) Responsabilité pour négligence professionnelle.
c) Successions.
d) Répartition judiciaire des avoirs.
e) Conflits entre associés et / ou avec les organes administratifs de sociétés.
f) Réclamations en matière de responsabilité non contractuelle non dérivées d’accidents de circulation.
g) Aliments entre parents.
h) Propriété horizontale et communautés de biens.
i) Droits réels sur la propriété d’autrui.
j) Contrats de distribution, d’agence, de franchise, de fourniture de biens et de services, à condition qu’ils ne soient pas des contrats d’adhésion.
k) Réclamations inférieures à 2 000 euros entre personnes individuelles lorsque celles-ci ne dérivent pas d’un acte soumis au droit de la consommation.
l) Défauts de construction.
m) Protection des droits à l’honneur, à la vie privée ou à l’image de soi.
n) Certaines controverses complexes relatives au contrat de bail qui devraient suivent la procédure de « juicio ordinario ».
Comme nous pouvons le constater, ces matières, qui relèvent des domaines civil et du droit des affaires, sont d’un nombre et d’une compléxité potentielle non négligeables. Ceci démontre la confiance du législateur en la médiation en Espagne comme moyen de résolution de controverses.
Au delà des matières où la tentative de médiation en Espagne sera obligatoire, le juge pourra également dériver les parties à cette même tentative par rapport à d’autres matières non incluses dans la liste, mais que le juge considère susceptibles d’êtres résolues par la médiation.
Ne pas participer à la tentative de médiation aura des conséquences en matière des frais de la procédure
En effet, l’avant-projet prévoit que le refus d’une partie de participer sans juste motif à la tentative de médiation comportera que cette partie ne sera pas bénéficiée par la norme qui lui permettrait autrement de récupérer les frais et dépens de la procédure.
Quel rôle des avocats dans l’usage de la médiation en Espagne?
Les avocats avons intérêt à promouvoir parmi nos clients la pursuite de solutions à leurs controverses à travers l’ADR et, en particulier, à travers la médiation. Par conséquent, le rôle des avocats dans le succès de cet avant-projet sera sans doute essentiel.
Nous avons dans notre main la possibilité de conseiller à nos clients de participer à la tentative de médiation.
Participer à une médiation, qu’elle soit imposée par la loi ou pas, n’est pas un signe de faiblesse, mais d’intelligence.
L’intérêt n’est pas de jouer à la loterie de la récupération ou pas des frais et dépens de la procédure judiciare, et encore moins à celle de deviner le contenu d’un futur jugement.
L’intérêt consiste à apprendre à participer activement dans la recherche et construction d’une solution librement acceptée par les parties.
Cette solution sera toujours plus constructive et plus simple à appliquer que la décision qu’un tiers nous imposera.
D’autre part, les avis de certains experts sont favorables à convertir en obligatoire la tentative de médiation, tel qu’il arrive dans les juridictions ayant plus de tradition dans cette matière, notamment les États-Unis.
Espérons donc que cet avant-projet se transformera en une loi qui sera capable de modifier le sort de la médiation en Espagne et, en même temps, du système de solution de différends.
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Photo: « La médiation à la FIAC 2011 (Jardin des Tuileries) », Jean Pierre Dalbéra, sous Licence CC BY 2.0.